....les pieds surchauffés, je marche. Deuxieme jour sur le Chemin, aprés Condom, Eauze, dans le Gers. Premières douleurs des premiers jours: sac à dos mal reglé, semelles au fond des godasses, inutiles, trop de bouffe dans le sac, angoisses liées aux incertitudes du voyage....Eauze, jolie petite ville de la cambrousse, avec ses vieilles ruelles, sa place du village, son eglise, son Christ en croix, d'un blanc immaculé. Fin de journée, arrivée au gite communal de Eauze. Le Chemin de Compostelle est une initiation grandeur nature, à l'échelle de 1400 km. Je n'en ferai que 240 cette fois ci. J'ai mal partout. Le corps se reveille dans la douleur, comme le premier jour de ma vie, de nos vies.Eauze, son petit bistrot sous les arcades, avec le verre de pinard, que j'ai pris pour habitude de boire goulument, à l'arrivée dans une ville d'étape... le bistrotier me jette son livre d'or sur la table en bois en me lancant:: "raconte pourquoi tu fais le Chemin!!!". Je m'execute, et je balance mes permière interrogations, je me justifie prudemment:... on demarre le Chemin comme on meurt... Compostelle.... compost...fumier, terreau, humus.... mourir pour renaitre, en se soulageant.... j'en ai pris conscience plus tard d'ailleurs, au fil des rencontres avec certains initiés du Chemin... chemin d'alchimie, bien sur, inscrite sur les frontons des eglises, sur les troncs des arbres...chemin de combustion, de petite mort.... passage du vulgaire au subtil... comme les limaces dont j'ai croisé quotidiennement le passage, aux petits matins/ limaces rouges dans le Bearn, limaces brunes au pays basque français, limaces noires en Espagne.... du Rouge au Noir.... L'Oeuvre au Noir inscrite dans la nature.... Eauze, jolie ville tranquille, jusqu'au 15 aout 2008, vers 18h.... sur la place du village, deux personnes me demandent de venir voir un truc bizarre...là, dans la petite fontaine encastrée dans l'un des coins de la place, face au syndicat d'initiative... ils me disent:" hey monsieur, vous voulez venir voir ce quil ya dans la fontaine, car on se demande si c'est une farce des jeunes du coin..."Moi, agacé, je ronchonne un peu et je vais voir... je pose les mains sur le rebord de la fontaine de pierres, et je me penche.Combustion à feu vif, le rouge est eclatant... je me penche, et je VOIS. je vois le cadavre de Régine Rojat, encastré sous l'eau, le visage au fond, le corps replié, son cul a fleur d'eau... j'ai compris tout de suite que ce n'étais pas une blague... une onde violente, de mort, et surtout familière (je n'ai toujours pas analysé rationnellement cette "familiarité" là, ce "dejà vu") me saute à la gueule. le corps, la texture des cuisses, des fesses me faisait pensé à une jeune femme..... Regine Rojat avait 57 ans... un choc, bien sur.... j'ai reellement blémi...et je me suis eloigné, groggy, abasourdi...une femme morte, les yeux fermés, un beau visage, des meches de cheveux noires flottantes au fond de cette fontaine.... Ophélie du Bearn, ou du Gers...peut importe.... je ne connais pas les raisons de sa mort, pour l'instant... mais ca m'obsede, tout simplement. J'ai pensé à elle, les jours suivants,n'oant plus regarder le moindre ruisseau, le moindre bassin.... le Rituel du Chemin commence parfois durement.... mais mon Imaginaire ma un peu protegé je crois, j'ai confondu une trés jeune femme aux cuisses tendres avec une simple femme de 57 ans....strannnnnnnnge!Eauze, petite ville sympa, on l'on bois du Jurancon comme on chasse une mouche.... j'ai été trés triste pendant quelques jours, et puis le Chemin m'a repris en main, en pieds, m'a offert de la beauté, de la douceur comme un onguent....Voila, je pense fort à cette femme qui s'appelait Regine Rojat.
dimanche 31 août 2008
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5 commentaires:
Magnifique*
Merci de partager, c'est immense. J'espère que tout ceci ne se dissipera jamais de tes souvenirs.
Hâte de lire la suite..
très fort souvenir, très forte écriture, merci de nous faire partager cela
Bonne rentrée mon Jojo. J'ignorais que tu étais parti. Ou alors j'ai oublié, pardon. Bon, on se voit quand?
Bonne rentrée...et au plaisir de lire la suite de ton récit de voyage!
commentaires un peu partout, mon Jozelon... Ecris plus vite, c'est trop bien! Et comme Hubert, on se voit quand? :)
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